mercredi 2 janvier 2019

Un diplôme pour les députés

Idée folle ou impérieuse nécessité ? Et si l'on imposait aux députés et sénateurs français de suivre une formation ad hoc, sanctionnée par un "diplôme" ?

Nos députés et sénateurs n'ont besoin d'aucun diplôme pour se présenter aux élections, égalité oblige. Tout citoyen, quel que soit son bagage scolaire, peut se présenter aux élections, les conditions d'éligibilité étant aisément remplies dès lors qu'on est à jour de ses droits civiques (voir par exemple : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89ligibilit%C3%A9_en_France ou le site du ministère de l'intérieur https://www.interieur.gouv.fr/Elections/Etre-candidat). Il y a bien une condition d'âge pour être sénateur, 24 ans révolus,  mais qui a dit que la valeur attendait le nombre des années ?

En pratique, beaucoup de personnes politiques ont suivi un cursus en sciences politiques, que ce soit à Sciences Po, à l'ENA ou à l'université. Et si ce n'est pas le cas, le jeune député frais émoulu trouvera rapidement, voire sans l'avoir même cherché, une armée de candidats assistants parlementaires ayant suivi lesdits cursus. Alors pourquoi une formation supplémentaire ?

La première raison est peut-être justement l'égalité entre les citoyens. Qui n'a pas étudié les sciences politiques dans sa jeunesse se sentira très probablement démuni pour être candidat à la représentation publique au cours de sa vie, songeant qu'il ou elle démarre avec une longueur de retard par rapport aux professionnels de la politique. Dommage de se découvrir une vocation sur le tard, et d'y renoncer parce qu'on n'avait aucun intérêt pour la chose au sortir du baccalauréat (et ne me faites pas croire que les cours d'instruction civique obligatoires ou le "parcours citoyen" mis en place par l'éducation nationale n'ont dégoûté personne).

Au contraire, s'il était acquis que tout député, fraîchement élu, devait commencer par suivre une formation à son nouveau métier avant de siéger, tout le monde saurait qu'il n'a rien à envier aux politiciens de métier. Voire qu'il sera mieux préparé que les vieux de la vieille, qui se seraient dispensés de ladite formation en exhibant un vieux diplôme de Sciences Po, et qui continueraient à exercer leur mandat d'après les idées poussiéreuses de leur parti d'attache.

La deuxième raison pour une telle formation est, elle-aussi, évidente : c'est la complexité du métier. 
Combien de députés arrivent à la fin de leur premier mandat avec la satisfaction, mêlée du regret que cela ait pris tant de temps, qu'ils comprennent enfin les rouages de l'Etat et de l'appareil législatif, qu'ils maîtrisent enfin leur métier et qu'ils peuvent donc enchaîner sur un deuxième mandat - et ceci sans le moindre scrupule, puisque les voilà devenus compétents (en un seul mot... quoique) !

Oui, c'est un métier. Un vrai métier, où les convictions politiques et sociales chevillées au corps ne suffisent pas pour être efficace. Il faut, par exemple, des connaissances sur :
- l'organisation administrative et territoriale du pays,
- la manière de fabriquer les lois,
- le corpus législatif et réglementaire préexistant,
- la comptabilité budgétaire de l'Etat et des organismes sociaux,
- l'économie politique des réformes,
- la démographie et la sociologie du pays (qui ne s'apprennent pas que sur le terrain à serrer des pognes sur les marchés ou dans une permanence...)
- etc. Oserais-je ajouter : quelques rudiments de macroéconomie et de microéconomie pour éviter de raconter n'importe quoi sur les milliards qu'on aimerait faire valser de droite à gauche (au sens propre comme au figuré) ?

Bref, une formation. Par exemple, de 6 à 12 mois, à plein temps. Payée et rémunérée par l'Etat, entre le moment où les députés sont élus (juin) et le moment de leur prise de fonction effective à l'Assemblée (on pourrait décrêter janvier, non ?, une fois passé le vote du PLF et PLFSS par l'assemblée précédente - de toutes façons, les députés élus en juin n'ont que peu de prise pour infléchir le PLF/PLFSS de l'année suivante, vu que les discussions budgétaires commencent dès le printemps, avant même leur arrivée à l'Assemblée).

Formation dit examen. Je verrais bien cela façon examen du Code de la route, pour avoir le permis de conduire son mandat. En cas d'échec à l'examen, l'aspirant député serait démis de son mandat (on lui laisserait un tour de rattrapage avant, ne soyons pas vache !) au profit de son suppléant, élu en même temps que lui (lequel doit donc aussi suivre la formation et réussir l'examen). L'échec complet du député et de son suppléant signifierait élection législative partielle, avec nouveau vote des électeurs dans la circonscription concernée vu qu'ils avaient choisi un binôme de tocards... (ce qui signifie que, comme le baccalauréat, les résultats à l'examen sont de notoriété publique).

Ceux qui souhaiteraient se dispenser de la formation pourraient le faire, en justifiant qu'ils ont déjà suivi un cursus au moins équivalent. En conséquence, ils ne seraient pas rémunérés durant le temps de ladite formation. Ils devraient néanmoins réussir l'examen final pour être admis à siéger. Si l'on fixait le seuil de réussite à l'examen à 35 bonnes réponses sur 40 questions, j'imagine d'ici le nombre de députés, dits chevronnés, qui ne feraient pas les malins... (donc nature de l'examen et critère de succès restent ouverts au débat).

Sur certaines grandes questions de société (climat, nucléaire...), l'Etat fait bien l'effort de former des citoyens volontaires pour qu'ils s'acculturent au sujet, puissent dialoguer avec les experts et participer efficacement au débat public, dans le cadre de conférences de citoyens (voir : https://www.debatpublic.fr/). Pourquoi ne pas le faire pour ceux qui décident tous les jours des lois applicables dans notre pays ?

Reste à savoir combien cela coûterait... et si d'aures pays ont déjà testé l'idée avec succès.

samedi 6 mai 2017

Il devint vraiment économiste...

Il devint vraiment économiste le jour où il compris la cause de sa maladie. Il digérait mal. Cela faisait des années que son estomac lui faisait des misères, pour un repas avalé trop vite, pour un plat trop copieux ou pour un excès de steak frites.

Cela ne l'avait jamais frappé, jusqu'à ce jour de janvier 2016, où une volubile dentiste s'était penchée sur sa bouche et avait relevé la tête aussitôt en disant : "Mais ! il vous manque 8 dents ! C'est beaucoup."

En effet, il lui manquait 8 dents sur 32. Non qu'il les eût perdues dans d'improbables combats de boxe mais, comme une bonne partie de sa génération, il avait beaucoup fréquenté l'orthodontiste étant jeune. Celui-ci avait décrété que 32 dents, si elles devenaient aussi grosses que celles de papa, ne tiendraient jamais sur des mâchoires aussi petites que celles héritées de maman.

Donc, on avait fait de la place. On avait éliminé 4 prémolaires et on avait bouché les trous en rapprochant les dents, au moyen des classiques appareils de torture en fil de fer, que l'on installe désormais dans la bouche de tous les adolescents prépubères. Puis, était venu l'âge de maturité et l'on avait éliminé 4 dents de sagesse, en allant les extraire au creux de l'os avant qu'elles fussent sorties (souvenir indélébile de shoot au Valium avant l'opération, et de la trompette de Maurice André dans les oreilles pendant qu'on le charcutait).

Bref, il n'avait plus que 24 dents sur 32. Plus que 75% de ses dents, soit 25% de pouvoir masticatoire en moins ! Quelle perte de productivité buccale ! Imaginez un peu une usine qui perdrait 25% de ses machines : dans quel état serait-elle  ? Probablement incapable de résister à la concurrence. Il ne devait pas être surpris que son système digestif, qui commence par la bouche, eût un problème d'efficacité.

C'est en prenant conscience, dans sa chair pour ainsi dire, de ce qu'est l'efficacité d'un système productif, qu'il devint véritablement économiste. Lui qui n'avait jamais étudié l'économie, qui l'utilisait un peu, malgré lui, à titre professionnel, lui qui se revendiquait étranger au pays des économistes, il comprit en son for intérieur ce qu'est la rareté des moyens de production et leur bonne gestion.

Et ce même jour, il décida de quitter l'habit d'économiste, en faisant le nécessaire pour que l'étiquette stigmatisante disparût de son personnage.