vendredi 11 novembre 2011

Le problème budgétaire français

Je n'ai pas une estime particulière pour Christian Saint-Etienne (au contraire), mais il faut reconnaître que son intervention à l'émission TV "C dans l'air" de mercredi dernier (France 5, émission du 9 novembre 2011 consacrée aux non-dits du plan de rigueur) a été fort instructive. Qu'a-t-on appris ? (les chiffres sont cités de mémoire, d'après ceux évoqués par les intervenants de l'émission)

En France, la dépense publique (Etat et collectivités territoriales) représente 56% du PIB (en Allemagne, 46% du PIB). Est-ce un problème en soi ? Non. C'est un choix de société, celui de redistribuer plutôt les richesses créées via le canal des budgets publics plutôt que via les transferts privés. C'est ça le modèle social français : un haut niveau de protection sociale et de services publics. Le problème vient de ce que l'Etat et les collectivités ne "gagnent" pas 56% du PIB.

En France, les prélèvements obligatoires (impôts et cotisations sociales qui constituent les recettes de l'Etat et des collectivités) représentent 44% du PIB. Est-ce un problème en soi ? Non. La Suède réussit bien avec un taux de prélèvement aussi élevé. Ce peut en revanche être un problème pour la compétitivité de l'économie française,si le "service rendu" (sécurité, éducation, infrastructures, etc.) n'est pas à la hauteur de ce coût que l'on fait supporter à l'économie.

La puissance publique (Etat et collectivités) équilibre son budget (dépenses - recettes = reste à financer) par la vente de prestations "commerciales" (par exemple, timbres fiscaux pour la délivrance de permis en tous genres, dividendes reçus des sociétés dans lesquelles l'Etat est actionnaire, etc.). Ces recettes additionnelles représentent 7% du PIB, laissant un trou de 5% du PIB. Est-ce un problème d'avoir un trou de 5% du PIB non financé ? Non, si le trou n'est pas récurrent. Comme dans un ménage, on peut avoir à emprunter pour faire face à des dépenses d'investissement une année, par contre on ne peut pas vivre à crédit tous les ans. A terme, c'est la faillite. En France, le trou dure depuis plus de 30 ans.

Comment s'en sortir ? Réduire les dépenses et/ou augmenter les recettes.

Réduire les dépenses. Pour l'Etat, on est quasiment à l'étiage : réduire encore les dépenses serait abandonner des prestations (c'est déjà en partie le cas, par exemple, dans l'éducation ou la sécurité). Pour les collectivités, il y a un peu de marge, mais celles-ci préfèrent augmenter les impôts locaux.
Réduire les dépenses, c'est aussi dépenser mieux, c'est-à-dire gagner en productivité de l'argent public dépensé. Il y a un peu de marge à aller chercher dans la productivité des fonctionnaires (mais globalement pas tellement plus que chez les salariés du privé, sauf à remettre en cause les 35 heures). De toutes façons, cette marge de productivité n'est pas suffisante pour combler le trou.
Réduire les dépenses, c'est faire le choix de couper à certains endroits : faut-il continuer à avoir la même qualité de route au fin fond de la cambrousse qu'en plein cœur de Lille ou Lyon ? Si l'on regarde les dépenses, 33% du PIB sont des dépenses sociales (retraites, santé, famille, chômage) et 14% du PIB vont aux retraités. Certes, les retraités gagnent une misère, mais ils sont 13 millions (les actifs sont 25 millions) et, par ailleurs, ils concentrent 60% des dépenses de santé. On peut continuer comme cela ou reculer l'âge de la retraite (ce qui suppose par ailleurs de fournir un travail aux actifs qui ne sont plus retraités). Ne pas le faire serait comme continuer à partir en vacances avec les enfants et les grands-parents alors que papa et maman sont au chômage.

Augmenter les recettes. Dans l'absolu, on peut toujours augmenter les impôts mais, à terme, cela asphyxie la croissance économique et détruit de l'activité en France. La concurrence internationale ne touche pas que les entreprises, elle touche aussi voire autant les Etats. Trop d'impôt et la richesse part à l'étranger. Au final, on augmente les taux d'imposition mais on a moins de gens et d'entreprises qui paient. Le résultat est qu'on ne gagne pas plus.
A 44% du PIB, la France est quasiment au sommet de ce qu'elle peut faire : augmenter les impôts ne rapportera pas plus d'argent, cela fera juste fuir la richesse ailleurs. Il ne faut pas croire qu'on peut taxer beaucoup plus les multinationales du CAC 40 : ces boîtes sont multinationales, ce qui signifie justement qu'elles n'ont plus d'attaches en France. Taxez-les et elles localiseront leur siège social au Luxembourg, à Monaco ou dans un autre paradis fiscal. La concurrence fiscale est peut-être le pire fléau de la mondialisation. Réduire les impôts était le pari de Sarkozy qui pensait lui qu'on était déjà au-dessus du point optimal de taxation ; la crise n'a pas permis de vérifier si les recettes fiscales auraient effectivement augmenté.
Augmenter les recettes, c'est aussi améliorer la collecte de l'impôt et lutter contre la fraude. Rendons hommage aux agents de Bercy qui font rentrer l'argent dans les caisses de l'Etat. Ils le font bien, en tout cas, bien mieux que leurs homologues grecs. La marge de gain existe (il reste de la fraude) mais est insuffisante pour combler le trou.

Si l'on se résume, que faut-il faire pour garder notre modèle social ?
- améliorer la compétitivité de nos administrations et services publics
- revenir sur les 35 heures
- revoir le partage des richesses entre les actifs et les retraités
- réduire nos prestations sociales non essentielles (on doit pouvoir gagner un peu sur la santé)

Bref, un vrai programme de droite :-( Cela dit, il existe une autre voie, un programme de gauche, mais il faut pour cela sortir de la mondialisation des échanges (et de la concurrence fiscale), fermer les frontières et vivre en autarcie. On aura sans doute l'égalité et la fraternité, mais probablement plus la liberté...

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