mardi 1 janvier 2013

La pute de luxe et la jeune épouse désabusée

31 décembre 2012.
Cédant à l'agitation superficielle et convenue de cette soirée de nouvel an, je me trouvais donc dans le métro, un certain temps avant l'heure fatidique. Devant moi, une blonde, qui venait d'entrer dans la rame. Le genre platiné, voire décoloré à l'eau oxygénée. Peut-être était-ce une perruque. Sur les épaules de la blonde, un manteau de fausse fourrure, presque aussi claire que son attirail capillaire. Sous le manteau, deux bottes noires, en cuir fin, assez gracieuses.

Elle était grande, 1,75 m au moins, entre deux âges. On devinait la silhouette bien proportionnée, le mollet galbé, les mains fines et le nez droit. La trentaine bien conservée. Deux boucles d'oreille, façon pyramide, se balançaient aux accélérations de la rame de métro. Le visage lisse, aux traits redessinés par les crayons de maquillage, se tourna un instant vers moi, balayant du regard les voyageurs de la rame. Elle n'était pas laide.

Une fossette au coin de la bouche lui donnait vaguement une moue coquine. Le genre de pose travaillée, pour séduire son monde. Elle semblait détailler rapidement les voyageurs, pour voir s'il se trouvait une femme plus belle qu'elle ou s'il se trouvait un homme digne d'attention le temps du voyage. Un instant, nos regards se croisèrent et je me demandai soudain si elle voyageait avec quelqu'un. Il me fallut plusieurs minutes pour comprendre qu'elle connaissait le quinquagénaire mal fagoté qui se tenait devant elle, bien qu'elle semblât l'ignorer.

Qui était-elle ? Fille de son papounet, nouveau riche de l'est, en excursion à Paris ? Danseuse du Crazy Horse quittant ou rejoignant son lieu de travail, accompagné d'un collègue éclairagiste ? Touriste en mal de fiesta, rejoignant les Champs-Elysées ? Chacun se fera son idée...

23h12
Changement de ligne, changement de décor. Cette fois, c'est une brune, assise dans un carré, épaule contre la vitre. Elle regarde furtivement, mais avec une attention répétée, le couple antillais qui minaude devant elle. Une moue désappointée traverse son visage. Elle n'est pas spécialement jolie mais cette moue la rend belle. Oh, que je voudrais entamer la conversation !

A côté d'elle, un homme jeune en caban BCBG, les jambes étendues avec nonchalance. Il a la tête penchée sur un pavé colossal, genre Da Vinci Code en plus captivant. Il ignore complètement la jeune femme, profitant à fond de son temps de lecture, comme un cadre en vacances libéré de ses obligations sociales et mondaines. A voir les regards qu'elle lui porte de temps en temps, ce doit être son mari.

D'ailleurs, elle ne cesse de triturer son alliance, signe semble-t-il encore récent de son joug conjugal. Sont-ils heureux en couple ? Est-ce la vie dont elle avait rêvé ? Se rend-il parfois compte de son désarroi ? Au lieu d'aller faire la fête, ils sont visiblement sur le retour. Feront-ils l'amour en rentrant ? Ou se refusera-t-elle à lui, excédée par la soirée médiocre qu'elle vient de passer ?

Oui, ma chère, tu cherches du regard un réconfort, d'où qu'il vienne, pour t'assurer que ta vie est encore belle. Cela tombe bien : ce soir, j'ai mis les habits du super-héros, Terminator à l'extérieur, Superman à l'intérieur. Regarde-moi, rien qu'une fois, et je te rendrai cette œillade fugace mais indubitable qui te fera sentir désirable et désirée. Gratuitement, sans contrepartie, juste pour le plaisir de donner un peu de bonheur : ce soir, c'est la nouvelle année !

Mais voilà, elle n'a pas regardé. Sans doute tenue par le modèle de vertu auquel elle se croit encore soumise par le mariage. Penser à mal, est-ce déjà faire le mal ?



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