La révolution de Jasmin, comme on l'appelle désormais. Ou comment une insurrection populaire aux motifs économiques est en train de transformer un pays. Pour le meilleur... ou pour le pire.
Je ne connais pas la Tunisie (une semaine de vacances, de Tunis à Tozeur, n'est pas connaître) mais je connais des Tunisiens. Ils sont secoués, mais ils sont lucides.
A l'origine des insurrections, le chômage terrible qui frappe une population bien éduquée (si vous voulez devenir dictateur, n'investissez pas dans l'éducation : les brebis ignorantes sont toujours plus dociles). La crise économique de 2008-2009 est passée par là. Sous-traitant de l'Europe, la Tunisie a souffert du ralentissement de la consommation des européens. Dans le même temps, elle subit de plein fouet la concurrence de pays asiatiques qui offrent désormais des coûts salariaux plus bas. Enfin, la corruption rampante a bridé l'entrepreneuriat : pourquoi chercher à développer son entreprise si la réussite doit obligatoirement passer par un partage des bénéfices avec la famille dirigeante ?
Investir dans l'éducation n'était pas une mauvaise idée du gouvernement : pour préparer le pays à la transition économique et produire sur des créneaux à plus forte valeur ajoutée. Laisser la belle-famille (Mme Ben Ali and co) poser son emprise sur l'économie était en revanche une énorme erreur. Les Tunisiens n'ont pas le sang-chaud, ils acceptent depuis des années une dictature "éclairée". Mais l'injustice et la corruption sont allées cette fois beaucoup trop loin.
La suite n'est que le scénario classique d'un régime qui vacille : manifestations, répressions, exactions, contagion populaire, division des forces de l'ordre, débandade du pouvoir, incertitude. Seule nouveauté dans le scénario, le rôle des "nouvelles technologies de l'information et de la communication" : internet comme source d'information, de multiples blogs comme lieux du bouillonnement idéologique populaire et le téléphone portable comme moyen d'organisation des "événements" (avec, en prime, l'option photo ou film pour rendre compte ensuite sur internet et l'option 3G pour la mise en ligne instantanée). Pour preuve, allez voir la page Wikipedia consacrée à la révolution de jasmin : mise en ligne le 15/01 à 23h, jamais une révolution n'était entrée aussi vite dans une encyclopédie !
Ben Ali a fui comme un malpropre, sans demander son reste. Gageons qu'il ne reviendra pas. Reste à savoir ce que deviendra ce pays. Supportera-t-il le choc de la démocratie ? Le choc des voix discordantes, jusqu'ici muselées par la répression, qui demain s'affronteront sur l'échiquier politique, si pas dans la rue ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire