dimanche 22 septembre 2013

Le village des fourmis

Nous étions jeunes (7 ans), nous étions naïfs (les filles, c'est dégoûtant) et nous étions écolos avant l'heure.

Quelque part au milieu des années 1980, trois chenapans en culotte courte s'émerveillaient devant l'activité animale qui survivait tant bien que mal - plutôt mal d'ailleurs - dans les maigres buissons autour de la cour de récréation : charançons, gendarmes, fourmis et autres insectes multi-pattes dont on se félicite qu'ils n'aient pas taille humaine.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, ces trois marmots s'étaient pris d'inspiration pour l'organisation sociale d'une colonie de fourmis. A l'aide de feuilles arrachées, de brindilles et de bâtons, ils entreprirent de leur construire des habitations, des greniers pour stocker leur nourriture, des routes pour faciliter leurs déplacements et des points d'eau pour qu'elles puissent se désaltérer. Chaque récréation voyait l'ajout d'un nouvel édifice dans la colonie des fourmis.


Seulement voilà, à la première pluie, la moitié des constructions étaient détruites - ce qui démontrait bien qu'on peut être architecte urbaniste sans être ingénieur en construction.

Le cataclysme se produisant trop souvent et les matériaux se faisant rares (c'était l'automne), ces trois fripouilles en appelèrent à leur bon samaritain, Monsieur Ch., leur professeur et directeur de l'école, pour qu'il leur donnât les moyens de réaliser un véritable village des fourmis. Après tout, c'était un projet éducatif ambitieux, d'initiative personnelle, et qui, bien encadré, pourrait permettre d'enseigner à toute la classe une foultitude de chose sur les sciences naturelles et physiques.

Monsieur Ch. accueillit la proposition avec un bon rire et, sans donner suite, renvoya les garnements à leurs manuels scolaires. Fin de l'histoire.

Je ne sais pas pourquoi cet événement m'est revenu en mémoire dernièrement, mais il fait écho à plusieurs frustrations personnelles :
- un chef suggérant que je manque d'initiative dans ce que j'entreprends,
- un coach sportif me reprochant un manque d'implication dans les matchs que je joue,
- un père affirmant qu'il n'osera jamais passer sur un pont que j'aurais construit,
- deux copains que j'ai perdus de vue depuis longtemps.

Mes enfants, allez au bout de vos rêves quoi qu'il en coûte et ne devenez pas frustrés avant l'heure.

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