Elle avait l’œil humide de la jeune femme qui croit encore au prince charmant. J'arrivais pas rasé, dépenaillé et fourbu par une journée de route. Elle m'avait vu venir de loin et s'était empressée de m'accueillir : les formalités d''usage, "le restaurant est ouvert de telle heure à telle heure", "voici votre carte", etc. exprimées avec beaucoup de courtoisie et ce léger vibrato dans la voix qui trahit un peu d'émotion.
Je l'écoutai sans écouter, cherchant où poser mon regard gêné. Sur ses yeux de biche, traversés par une étincelle dès qu'ils croisaient les miens ? Sur sa coiffure sobre et soignée de jolie brune ? Sur son chemisier d'uniforme, aux couleurs de la marque, sous lequel couvait une poitrine que j'imaginais agréable ? Sur le badge indiquant son nom : Agathe ? Elle me rappelait la secrétaire de Hugh Grant, lorsqu'il jouait le rôle de Premier ministre dans le film Love Actually (Martine McCutcheon).
D'un coup, je regrettai de n'avoir pas emporté une tenue de rechange plus habillée. Je regrettai aussi mon horrible timidité qui, sous prétexte de rester strictement dans les bornes du savoir-vivre, m'enjoignait de feindre l'indifférence. Ah, si seulement j'avais été un minimum entreprenant : "qu'y a-t-il à faire dans la région d'Annecy ?", "que me conseillez-vous en cas de mauvais temps ?", " à quelle heure terminez-vous votre service ?", "pourrais-je vous inviter au restaurant ?"
Hélas, je n'étais pas Premier ministre, je n'étais pas Hugh Grant, je n'étais pas le prince charmant. Elle était réceptionniste de l'hôtel et je n'étais que touriste de passage. Les histoires de "love at first sight" sont tout de suite moins glamour entre gens ordinaires.
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