dimanche 13 mai 2012

Economie politique du gâteau au chocolat (1)

Les Français fabriquent tous les ans un gâteau chocolat (i.e. le PIB).

Supposons qu'il y a 10 Français et que le gâteau doit être partagé entre ces 10 personnes. Toutes n'ont pas participé de la même manière ou avec autant d'implication dans la préparation du gâteau et ne reçoivent donc pas la même part.
- Le chef cuistot, qui n'a rien fichu d'autre que donner les directives et superviser les opérations, prend deux parts de gâteau - sinon à quoi servirait d'être chef ?
- Les sept aides cuistots qui ont mélangé les œufs, la farine, le sucre, le chocolat etc. reçoivent chacun une part du gâteau auquel ils ont contribué.
- Reste alors (10 -2 -7 = 1) une part que doivent se partager les deux derniers français qui, soit qu'ils ne sont pas de bons aides cuistot, soit qu'ils sont handicapés, trop vieux, flemmards ou que-sais-je-encore et ne peuvent pas faire autant que les autres, n'ont pas pris part à la fabrication du gâteau mais reçoivent tout de même quelque chose - parce que, bon, on n'est pas des rats tout de même, surtout avec une devise contenant le mot "fraternité".
Au final, le "riche" reçoit deux fois plus de gâteau que la "classe moyenne" qui a trimé et qui, elle-même, reçoit deux fois plus de gâteau que les "pauvres" vivant de la solidarité. "Scandale !", diront les gens de gauche, "Normal !" diront les gens de droite.

Que faire pour mettre plus d'égalité dans le partage du gâteau de l'année suivante ? (question que doit se poser actuellement notre président fraichement élu, François Hollande)

Option la plus simple : piquer une part de gâteau au riche pour la donner aux pauvres. Ainsi, tous recevront une et une seule part de gâteau, témoignant de la parfaite égalité entre tous les Français (deuxième principe de notre chère devise). L'ennui de cette option - outre que certains la considèreront comme de la spoliation pure et simple - est qu'elle ne tient pas compte de la réaction individuelle de chacune des 10 personnes qui, après tout, sont parfaitement libres d'agir comme bon leur semble (premier principe de notre chère devise).
- Sachant qu'il ne recevra qu'une part de gâteau, le "riche" ne voudra plus être chef cuistot ou continuera à l'être mais fera moins bien son job de chef. La qualité du gâteau pourrait s'en ressentir.
- Sachant que ceux qui ne participent pas au gâteau reçoivent quand même une part, les personnes de la "classe moyenne" préfèreront, pour certaines, se tourner les pouces et vivre de la solidarité. La quantité de gâteau disponible pourrait s'en ressentir.
Au final, on n'aura pas 10 parts de gâteau à distribuer mais peut-être seulement 8 et de moins bonne qualité que l'année d'avant. Cela s'appelle le communisme, idée généreuse en théorie mais viscéralement minée par l'égoïsme de la nature humaine.

Deuxième option : ne pas toucher aux avantages acquis mais faire croître le gâteau et opérer une redistribution plus équitable des parts supplémentaires. Sous réserve que chacun reçoivent les bonnes incitations à travailler mieux et/ou plus (le chef cuistot à mieux optimiser la recette, les aides cuistots à travailler plus longtemps, et les laissés-de-côté à prendre part à la réalisation du gâteau), on peut espérer avoir 12 parts de gâteau à distribuer, soit deux de plus qu'avant.
- Pour créer l'incitation à faire plus et mieux, il faut promettre à chacun qu'il recevra une quantité de gâteau plus grande qu'avant : il faut donc quand même donner au "riche" une fraction des deux parts supplémentaires.
- Pour améliorer l'égalité, il faut par ailleurs donner proportionnellement plus à ceux qui ont moins, donc au lieu de découper les deux parts supplémentaires en 20%-70%-10%, on peut imaginer les découper en 10%-70%-20% par exemple. Un tel découpage conduirait à donner 2,2 parts au "riche", 1,2 part à chaque personne de la "classe moyenne" et 0,7 part à chacun des deux "pauvres".
Nombre d'autres découpages du surplus produit sont possibles mais ils ne réduisent pas intégralement les inégalités de richesse. Cela s'appelle le libéralisme, idée machiavélique consistant à utiliser l'égoïsme de la nature humaine comme moteur de la création de richesse. Ce modèle n'a pas vocation à réduire les inégalités de richesse - sinon les incitations à faire plus disparaissent et l'on se retrouve dans la première option. Il a même vocation à les accroître naturellement, sauf si le Gouvernement régule correctement les choses pour redistribuer un minimum avec équité.

Cette deuxième option est pourtant tout aussi vouée à l'échec que la première, en raison du principe d'utilité marginale décroissante que suivent tous les individus. Plus le "riche" est riche, plus il réclame de gâteau supplémentaire pour continuer à faire des efforts : quand on gagne déjà deux parts de gâteau, pourquoi s'échiner plus si c'est pour gagner une miette de gâteau en plus (de toute façon, on n'a plus très faim) ? L'arbitrage entre maintenir l'incitation à produire plus et redistribuer avec plus d'égalité devient ainsi chaque année plus difficile à trouver. A terme, il devient quasi impossible et, faute d'incitations suffisantes diront les uns ou à cause d'une redistribution trop grande diront les autres, la croissance du gâteau stagne.

Conclusions :
- dans un état de droit, la redistribution des richesses nécessite la croissance économique ;
- compte tenu des travers de la nature humaine, les inégalités de richesse sont essentielles à la poursuite de la croissance économique (on pourrait même avancer que, plus les inégalités sont fortes, plus la croissance est grande, si l'on compare les USA ou l'Allemagne à la situation française) ;
- trop de redistribution nuit à la croissance et, in fine, à la redistribution ;
- asymptotiquement, la croissance stagne et la redistribution tend à égaliser les niveaux individuels de richesse (objectif ultime du communisme).

Le cercle est vicieux et le chemin de la bonne gouvernance est étroit. Parfois, une bonne révolution vaut mieux que tout cela pour remettre les compteurs à zéro. Faut-il pour autant la souhaiter ?

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