samedi 12 octobre 2013

La chanson qui rend amoureux

Elle était venue manger avec deux amies à la cafétéria du centre commercial. Sa sortie de la semaine. C'était toujours pareil : elles allaient passer le repas à dire du mal de leur mec mais, elles au moins, elles avaient un mec. Quelqu'un avec qui partager le quotidien, quelqu'un avec qui les petits trucs de la vie prenaient une autre saveur : mordre dans le pain tout chaud au sortir de la boulangerie, remplir son cabas au marché du samedi matin, effrayer les pigeons paresseux pour qu'ils s'envolent et rire à gorge déployée devant la tête que ferait la voisine.

Elle était fatiguée de porter sa vie toute seule, fatiguée de faire des efforts "pour s'entretenir" comme disait sa mère. S'entretenir pour quoi, pour qui ? De toutes façons, elle finirait vieille fille. Elle avait fait la difficile quand l'occasion s'était présentée et, désormais, il était trop tard. Passé la trentaine, c'est fichu, tous les magazines le disent.

C'est alors qu'elle l'aperçut, cherchant une table où poser son plateau. Durant une fraction de seconde, même ses copines s'arrêtèrent de parler, cette fraction de seconde de trop qui montrait qu'elles aussi l'avaient remarqué. Il avait plutôt belle allure, le regard franc et la démarche nonchalante du baroudeur qui vient se reposer au coin du feu. Elle se serait volontiers blottie dans ses bras.

La radio entama une chanson lente et lancinante, qui lui rappela ses années où, midinette, elle courait les boums et rêvait qu'un garçon l'embrasse. D'un coup, son cœur fit un bond et des fourmillements lui vinrent au creux de l'estomac. Il vint droit vers elles, ou plutôt vers elle. Elle voulut rentrer sous terre. Pourquoi ne s'était-elle pas apprêtée un minimum avant de sortir ? Et ses cheveux ? Oh, ses cheveux ! Pourvu qu'il n'y prête pas attention.

-"Pardon mademoiselle, il me semble que vous avez laissé tomber votre sac." -"... Oui... merci !" balbutia-t-elle, toute penaude. Et il alla s'asseoir trois tables plus loin.

C'était raté, encore une fois. Mais cette fois, elle était heureuse car, durant une demi-seconde d'éternité, elle avait vu dans le regard de cet homme une lueur de désir, un feu ardent qui aurait présagé d'une nuit torride, n'avait-elle été si sage et si jalouse de ne pas se donner au premier venu.

Elle se promit d'aller sur Youtube rechercher cette chanson oubliée...



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